Voir et regarder

Dorylas Moreau

Les mots employés ont cette singulière propriété de désigner les choses avec plus ou moins d’intensité.

Je ne vous donnerai pas une leçon de langue française mais je veux attirer votre attention sur les mots «voir» et «regarder». Si ces mots sont de la même famille à première vue, ils «parlent» un langage différent. Il y a une grande différence entre voir et regarder.

Tu peux passer devant quelqu’un, tu peux le voir, mais si tu ne fais que cela, tu continues ton chemin. Regarder évoque beaucoup plus, en réalité; c’est quand tu te présentes devant la même personne, tu t’arrêtes à sa hauteur, tu l’interpelles, tu lui demandes son nom, tu t’intéresses à elle et tu t’informes à son sujet. Là, tu la regardes…

On peut voir seulement sans s’arrêter. Sans plus. Tu vois un paysage, tu balaies les environs, tu observes un objet ou quelque chose… sans découvrir. Regarder, c’est aller plus loin. C’est un mot et un «geste» qui est de l’ordre de l’âme : ton regard révèle l’intérêt que tu portes à l’autre. Un vrai regard ouvre le cœur et fait vibrer. Il peut combler, faire vivre et consoler. Il est vivifiant à quelque part dans le sens qu’il te fait vivre et compatir.

Dans la bonne nouvelle de l’évangile, je remarque que Jésus, tel que les évangélistes le présentent, fait toujours plus que simplement voir. Il prend le temps de regarder les personnes qu’il rencontre, qu’il appelle, avec qui il fait un bout de route… Et au terme, il interpelle : «suis-moi», dit-il le plus souvent. Quand il rencontre le jeune homme riche, il l’invite à le suivre. Sans qu’on sache vraiment le motif du refus du jeune homme, sinon qu’il avait de grands biens, il est dit que Jésus le «regarda» et se prit à l’aimer. Le vrai regard, personnel, profond et attentif, conduit à l’amour et au respect.

Puissions-nous nous aimer de la sorte pour que nos chemins soient toujours ensoleillés. Le commandement de Jésus de nous aimer les uns, les unes et les autres doit être enveloppé dans un tel regard.