Mon Amie

Martin Bouffard

Laissez-moi vous parler de mon amie.

Nous nous connaissons depuis très longtemps. Sans vous dévoiler mon âge, disons que notre amitié date presque de ma naissance. Nous avons grandi ensemble tous les deux. Ce n’est pas ma soeur, mais c’est tout comme.

Dès mon enfance, je n’avais pas beaucoup de camarades car étant de nature jalouse, mon amie prenait beaucoup de place dans ma vie. Je n’avais rien contre cette situation car je l’aimais tellement. Nous allions au parc ensemble. Nous revenions de l’école main dans la main pour ensuite jouer dans ma chambre. Nous écoutions de la musique ou des films et nous avions les mêmes goûts. Nous allions même passer quelques jours en voyage ou au chalet à l’occasion.

Vous allez dire : « Si tu aimais tant ton amie, pourquoi n’est-elle pas devenue ta ‘’blonde’’, comme on dit? ». Disons que la tentation était forte, mais je ne l’aimais pas assez pour faire toute ma vie avec elle. Je dirais même que lorsque celle qui est devenue mon épouse est rentrée dans ma vie, j’ai délaissé peu à peu mon amie. J’ai eu beau lui expliquer mais je ne crois pas qu’elle ait compris. Elle que j’aimais tant à l’époque devenait à présent synonyme de tristesse. Je dirais même que plus je vieillis et plus je prends mes distances avec elle. Quelquefois, à mon grand désarroi, elle vient même me réveiller en pleine nuit. Je regarde alors mon épouse qui dort près de moi et supplie mon amie de s’en aller.

La goutte qui a fait déborder le vase est quand on m’a dit que la rumeur courait qu’elle serait responsable de la mort de certaines personnes. Je n’ose le croire. Elle n’irait pas jusque-là. Elle est si gentille. Depuis ce temps, je demeure sur mes gardes et j’essaie de m’entourer le plus possible des gens que j’aime mais ce n’est pas toujours évident. Après toutes ces années, elle possède une grande emprise sur moi. Mon seul souhait toutefois est que quand viendra l’heure de ma mort, elle ne sera pas présente. Pourquoi me direz-vous? Parce que mon amie a un nom. Elle s’appelle LA SOLITUDE.